Le convoyage de navires

L’essentiel du Contrat de convoyage

David Sabatier

Avocat associé

Si un équipier ou un bateau subit un accident pendant une navigation, le skipper est en principe entièrement responsable sur son patrimoine personnel s’il n’a pas été conclu de contrat de convoyage dérogatoire avec le client et le cas échéant ses équipiers.

On ne peut qu’insister sur la nécessité pour les convoyeurs ou loueurs de bateaux avec skipper de mieux s’informer et d’encadrer beaucoup leur activité à risque dans des contrats sur-mesure.

A l’occasion des convoyages que j’ai menés j’ai constaté que :

  • les skippers sont sous informés de la responsabilité qu’ils encourent ;

  • il n’y a presque pas de règlementation sur cette activité à l’exception d’une simple circulaire de 1993 ;

  • les skippers concluent des contrats qui ne dérogent pas à la circulaire alors que c’est la seule manière pour eux de se protéger ;

  • encore beaucoup de skippers ne respectent la réglementation (équipiers non dipômés, assurance qui ne couvre pas les risques réels de la profession, non respect des formalités liées au contrat de convoyage…)

A retenir : Sauf conclusion d’un contrat spécifique entre le skipper et le propriétaire :

  • le skipper est personnellement responsable de tous les dommages sur le navire ;

  • il est responsable de tous les dommages aux équipiers ;

  • il ne peut s’exonérer de sa responsabilité au titre de la force majeure sauf des cas extrêmes (une dépression, une houle particulièrement forte ou tout autre évènement météo ne permet pas d’exonérer le skipper). Pour invoquer la force majeure, il doit invoquer un évènement imprévisible comme une interdiction administrative qui ne pouvait être anticipée ;

  • il doit avoir le CAP 200, le Yacht Ocean Master n’étant semble-t-il et assez étrangement pas visé par la circulaire ;

  • il doit avoir pour la plupart des navigations un équipier professionnel (titulaire du CIN) et déposer un rôle d’équipage déposé aux affaires maritimes.

La seule bonne nouvelle est qu'on peut déroger à une partie de ces impératifs dans un contrat de convoyage.

Définition juridique du convoyage

L'opération de convoyage se définit comme le fait de conduire un navire moyennant rétribution entre deux ports ou deux sites par voie maritime, sans transporter, à titre onéreux, ni passager ni marchandise.

Si vous faites payer les équipiers, vous n’êtes plus convoyeur mais transporteur de personnes avec des conséquences juridiques très importantes.

Si vous transportez des marchandises en échange d’une rémunération, c’est encore un autre contrat, et un autre régime juridique différent du convoyage.  

Le convoyeur peut être une personne morale ou une personne physique.

Un bon moyen de limiter sa responsabilité est donc de conclure le contrat au travers d’une société. Créer une société n’est pas très couteux. Cela engendre des conséquences fiscales (imposition à l’Impôt sur les sociétés) mais qui peuvent à partir d’un chiffre d’affaires être plus intéressantes.

Si vous faites face à un accident, en tant que skipper vous êtes presque toujours responsable si votre contrat n’est pas bien rédigé.

Face à ce risque si vous avez une société, seule la société sera responsable. Elle pourra être liquidée et votre patrimoine personnel restera sain et sauf.

Même sans société, le convoyeur doit être inscrit au registre du commerce et des sociétés. Pour plus d’information à ce sujet, vous pouvez contacter le greffe du tribunal de commerce de votre port d’attache.

Que prévoir dans un contrat de skipper ou de convoyage ?

Le contrat de convoyage est obligatoirement écrit (et non oral) et doit comporter obligatoirement les indications suivantes :

1.      Caractéristiques du ou des navires à convoyer (y compris références des titres de sécurité).

2.      Port d'origine, port ou site de destination, itinéraire éventuellement,

3.      Date de départ et durée approximative ;

4.      Nombre de marin(s), prévu(s) pour assurer la prestation étant précisé qu’ils doivent être professionnels en principe,

5.      Engagement d'ouverture d'un rôle d'équipage,

6.      Le nom du chef de bord.

7.      La définition de l'étendue des responsabilités du convoyeur (très important) et notamment vis-à-vis du navire du client, à l'égard des tiers, vis-à-vis de l'équipage (le contrat doit notamment indiquer que le convoyeur ou son représentant sont responsable de l'équipage).

8.      La description des assurances souscrites qui sont spécifiques à l'opération de convoyage.

9.      Le prix de la prestation de convoyage (réglé par le propriétaire, l'affréteur ou le locataire du navire) : prix forfaitaire ou prix détaillé par poste.

Dans certains cas spécifiques avec intermédiaires, « sous-traitance », il peut être judicieux de tenter de sortir du cadre du contrat de convoyage qui inclut énormément de responsabilité pour le skipper, et de préférer par exemple un mandat de recherche.

La perte d’un équipier ou du bateau peut détruire la vie du skipper qui est entièrement responsable de tous les risques s’il ne prévoit pas un contrat sur-mesure. Etablir un contrat en amont en plus d’une assurance est extrêmement important.

Quels sont les documents obligatoires lors d’un convoyage de bateau ?

Le skipper doit détenir à son bord :

  • l'acte de francisation qu'il doit restituer à la fin du convoyage ;

  • une copie du contrat de convoyage ;

  • un rôle d'équipage en cas d’équipage professionnel ;

  • le permis de navigation et le certificat de franc-bord.

Quel diplôme faut-il pour être skipper ou convoyeur ?

Le chef de bord doit lui être titulaire du CAP 200 (anciennement brevet de patron à la plaisance).

A la lecture de la circulaire le Yacht Ocean Master n’est pas visé et ne serait donc pas suffisant. Toutefois, le CAP 200 peut s’obtenir par équivalence (voir annexes 1 et 2 du décret).

Quelles sont les conditions pour les équipiers pendant un convoyage de bateau ?

Le skipper doit avoir du personnel de bord dans les proportions suivantes :

Navigation d'une durée inférieure à 12 h : 1 chef de bord.

Navigation de 12 à 24 h sans pilote automatique :1 chef de bord + 1 équipier.

Navigation de 12 à 24 h avec pilote automatique : 1 chef de bord.

Navigation de plus de 24 h sans pilote automatique :1 chef de bord + 2 équipiers.

Navigation de plus de 24 h avec pilote automatique :1 chef de bord + 1 équipier.

Beaucoup de skippers font appel à des équipiers non qualifiés ce qui est interdit puisque la circulaire indique bien que « l'équipage du navire convoyé doit être composé de marins professionnels titulaires d'un livret professionnel maritime (LPM). »

Le convoyeur est « armateur » au sens de la loi, ce qui implique, que ses équipiers doivent être affiliés au régime spécial de protection sociale des marins et qu’il respecte le Code du travail maritime.

S’ils ne sont pas rémunérés, cette obligation semble pouvoir être exclue.

Il convient en plus de tenir un rôle d’équipage qui doit être enregistré aux Affaires Maritimes ce que bons nombres de skippers ne font pas.

Il n’y a pas de position tranchée sur la nécessité du rôle d’équipage avec des équipiers non rémunérés mais après échange oral avec les Affaires Maritimes, il semblerait que celui-ci ne soit pas requis dans cette situation.

Les conditions à remplir pour cet équipage sont définie par le décret 67-690 du 7 août 1967 à savoir :

Age : 16 ans minimum

Aptitude physique : elle doit être constatée par un médecin des Gens de mer ou, à défaut, un médecin désigné par l'autorité maritime.

Moralité : Le candidat doit produire, s'il a 18 ans d'âge, un bulletin n°3 de son casier judiciaire.

Aptitude professionnelle : Tout marin embarqué sur un navire français doit avoir un titre de formation professionnelle maritime.

Engagement maritime : le skipper doit établir pour chaque équipier une promesse d'embarquement ou un contrat d'engagement maritime doit être présenté.

Nationalité : Les emplois du pont et de la machine ne peuvent être remplis que par des marins français, ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté économique européenne ou encore de l'un des Etats ayant conclu avec la France des accords de réciprocité concernant la main-d'œuvre maritime. Le chef de bord et, le cas échéant, le second capitaine doivent obligatoirement être de nationalité française.

L’équipier doit avoir un des titres énumérés par l'arrêté du 24 juillet 1991 soit au minimum un certificat de matelot de pont.

Que prévoit la règlementation en matière de sécurité du bateau ?

Le navire doit répondre aux prescriptions techniques des navires de plaisance (voir notamment le site du ministère : https://www.mer.gouv.fr/la-reglementation-des-navires-de-plaisance-professionnelle-en-mer) et peut être soumis à une visite de partance de l'appréciation du centre de sécurité des navires (en pratique, cette visite n’a lieu qu’en cas de convoyage collectif important).

En particulier, (1) si le navire convoyé n'est pas un navire de plaisance proprement dit, par exemple un Navire à utilisation collective (NUC) et si c’est un voilier de moins de 25 mètres, il doit répondre aux prescriptions techniques prévues pour les navires à utilisation collective ; (2) Si à l’inverse, le navire convoyé est un navire à moteur ou un voilier de plus de 25 m, il doit répondre aux règles de sécurité prévues soit pour les navires de charge ou à passagers.

L’état du bateau au départ incombe au propriétaire. En revanche, à compter du départ, rien ne limite la responsabilité du skipper qui devra prouver seul que tout avarie ou problème n’était pas de sa responsabilité.

Il apparaît pour le moins utile de faire un état des lieux au départ à signer par le propriétaire. Si vous récupérez le navire sans le propriétaire ce qui est souvent le cas, rappelez vous qu’un constat d’huissier vaut environ 350 euros.