Selon l'Imperial College il faudrait 12 mois de confinement total pour endiguer l'épidémie.

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Par David Sabatier

Avocat Associé - 1862 Avocats

Fondateur du Think Tank “Comprendre et Agir face à la Crise Sanitaire”

Une étude scientifique de l’Imperial College (Centre collaborateur de l'OMS pour la modélisation des maladies infectieuses) publiée le 16 mars 2020 indique que seul un confinement par alternances de 12 mois pendant les 18 prochains mois permettrait d’endiguer la pandémie.

Cette étude dont des extraits ont été publiés dans le Financial Times et le New York Times n’a pas été traduite ni reprise en détail dans la presse française malgré l’influence qu’elle a sur les décisions gouvernementales en cours.

Nous avons donc décidé de la traduire intégralement et d’en extraire les principales conclusions afin d’anticiper les conséquences potentielles de cette crise sanitaire sur les entreprises que nous conseillons.

Cet article est une exclusivité 1862.


A propos : 1862 Avocats est un cabinet d’avocats fondateur du Think Tank “Comprendre et Agir contre la crise sanitaire” qui réunit une équipe pluridisciplinaire d’experts en médecine, en économie, en droit, et en gestion dédiée à l’anticipation des conséquences de la crise sanitaire à court, moyen et long termes et à la formulation de recommandations concrètes pour les entreprises.

Le premier épisode de notre podcast “Comprendre et agir contre la crise sanitaire” sortira le 24 mars 2020 à 20h00.

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Impact des interventions non-pharmaceutiques visant à réduire la mortalité par COVID-19 et besoins de santé

Cette étude, intitulée Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID19 mortality and healthcare demand, a été menée par un collectif de chercheurs internationaux sous la direction du Dr. Neil Ferguson de l’Imperial College (Centre collaborateur de l'OMS pour la modélisation des maladies infectieuses).

Notre cabinet a traduit l’intégralité de cette étude mais les droits d’auteurs nous interdisent de reproduire cette traduction en ligne. Nous vous livrons donc ses conclusions et certains extraits.

Pour la version anglaise : Consulter

Une politique minimale pour une suppression efficace est donc la distanciation sociale à l'échelle de la population, combinée à l'isolement des cas dans les foyers et à la fermeture des écoles et des universités.

Pour éviter un rebond de la transmission, ces politiques devront être maintenues jusqu'à ce que des stocks importants de vaccins soient disponibles pour immuniser la population - ce qui pourrait être le cas dans 18 mois ou plus.

L’étude conclut sur la base de trois scénarios :

  • L’absence de confinement permettrait d'endiguer l’épidémie grâce au développement de l’immunité naturelle mais au prix d’une saturation des lits en réanimation et donc de millions de morts ;

  • Un confinement de 5 mois, ne permettrait pas d’endiguer l’épidémie totalement et aurait pour conséquence de seulement repousser la vague de décès ;

  • Un confinement de 12 mois en alternance jusqu’à la mise à disposition d’un vaccin contre le coronavirus - covid 19 qui permettrait d’endiguer l’épidémie sans engendrer une saturation des lits en réanimation.

L’étude indique en conclusion :

Nous estimons que s’agissant de la politique nationale du Royaume-Uni, la mise à distance sociale devra être en vigueur pendant au moins les 2/3 du temps (pour R0 =2,4, voir tableau 4) jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible.

Cette étude s’appuie notamment sur l'analyse des données provenant de la Chine d’où il ressort d’après les vols de rapatriement qui ont tous été testés que 40 à 50 % des infections n'ont pas été identifiées comme des cas (étude de Verity R, Okell LC, Dorigatti I, et al. Estimations de la gravité de la maladie COVID-19).

Elle s’appuie également sur l’étude du Professeur Nicholas Hart qui conclue que 30 % des personnes hospitalisées ont besoin de ventilation mécanique invasive), sur la base des premiers rapports de cas COVID-19 au Royaume-Uni, en Chine et en Italie.

En outre, l’étude considère que 50 % des personnes en soins intensifs mourront, que la durée d’hospitalisation en soins intensifs est de 8 jours (hors soins intensifs) et de 16 jours (si des soins intensifs sont nécessaires).

Ainsi, en faisant une moyenne entre le nombre de personnes nécessitant une hospitalisation et le nombre de jours d’hospitalisation (dont soins intensifs d’environ 10 jours), l’étude conclue à une moyenne globale d’hospitalisation de 10,4 jours (plutôt optimiste puisqu’elle est inférieure aux constatations sur le terrain au niveau international) – (voir Gaythorpe K, Imai N, Cuomo-Dannenburg G, et al. Report 8: Évolution des symptômes du nouveau coronavirus 2019 [Internet]. 2020)

-          En l’absence de mesure, 81% de la population serait infectée avec un pic épidémique au bout de 3 mois ; le nombre de morts serait de 510.000 en Grande Bretagne et de 2.200.000 aux Etats-Unis. Dans ce scenario, la capacité des lits de soin intensifs, serait dépassée dès la deuxième semaine d’avril avec une demande de soins intensifs 30 fois supérieure à la capacité ;

-          Les mesures d’atténuation ont pour objectif d’aplatir la courbe épidémique afin de ne pas surcharger les capacités en soin intensifs ; Elles ne doivent pas être mises en place trop tôt afin de développer l’immunité naturelle tout en évitant la saturation des lits ;

Toutefois, la mesure d’atténuation qui n’impose pas de confinement total n’est pas concluante en termes de décès.

« Étant donné qu'il est peu probable que l'atténuation soit une option viable sans que les systèmes de santé soient submergés, la suppression est probablement nécessaire dans les pays capables de mettre en œuvre les contrôles intensifs requis. »

Plus loin l’étude conlut en effet que :

« Nos projections montrent que pour pouvoir réduire la R à un niveau proche de 1 ou inférieur, il faut combiner l'isolement des cas, l'éloignement social de toute la population et soit la mise en quarantaine des ménages, soit la fermeture des écoles et des universités »

-          La suppression : L’étude analyse donc ensuite la suppression qui consiste à une fermeture généralisée et un confinement total équivalent à ce qui est mis en place en France aujourd’hui. La première analyse faite par les chercheurs s’est penchée sur les effets d’une quarantaine généralisée de 5 mois.

Toutefois, dans ce nouveau scenario, les chercheurs concluent que

« Une fois que les interventions sont assouplies (dans l'exemple du schéma 3, à partir de septembre), les infections commencent à augmenter, ce qui devrait entraîner un pic épidémique plus tard dans l'année. »

Dans ce contexte, les chercheurs ont analysé les effets d’une distanciation sociale adaptative et alternée avec pour objectifs : (1) de limiter la saturation des lits en soins intensifs, et (2) de favoriser l’immunité naturelle.

A l’égard de ce scenario, ils considèrent que :

« Ces politiques sont résistantes à l'incertitude tant en ce qui concerne le taux de reproduction, R0 (schéma 4) que la gravité du virus (c'est-à-dire la proportion de cas nécessitant une admission aux urgences, non indiquée). ».

Après avoir analysé ces différents scenarios, l’étude conclue en recommandant un confinement total par alternance pendant 12 mois jusqu’à la mise à disposition d’un vaccin (soit 18 mois) :

« Dans l'ensemble, nos résultats suggèrent que la distanciation sociale appliquée à l'ensemble de la population aurait l'impact le plus important ; et en combinaison avec d'autres interventions - notamment l'isolement des cas à domicile et la fermeture des écoles et des universités - elle a le potentiel de supprimer la transmission en dessous du seuil de R=1 requis pour réduire rapidement l'incidence des cas. Une politique minimale pour une suppression efficace est donc la distanciation sociale à l'échelle de la population, combinée à l'isolement des cas dans les foyers et à la fermeture des écoles et des universités.

Pour éviter un rebond de la transmission, ces politiques devront être maintenues jusqu'à ce que des stocks importants de vaccins soient disponibles pour immuniser la population - ce qui pourrait être le cas dans 18 mois ou plus. »


A titre de conclusion et surtout dans une optique plus optimiste, on peut apporter un tempérament à cette étude à l’appui de l’impact des débuts de traitements (chloroquine), des tests et des systèmes de protection (notamment masques disponibles) qui pourraient ralentir dans les prochains mois la propagation de l’épidémie.

Pour approfondir ce sujet nous vous recommandons la lecture de l’article du Dr. Carl Juneau PhD : “The Hammer and the dance” qui a été traduit en français sur le lien ci-après : Le Marteau et la Danse